Témoignage de Mireille, cousine de Valentine 68 ans bipolaire

La communication est vitale

Mon message est que la famille, les amis, tous doivent faire équipe. Que tout le monde soit au courant de ce qui se passe, que la famille n’ait pas peur d’informer. On doit prendre du temps pour partager, pour porter les soucis. Savoir qu’on n’est pas seul. C’est épuisant de vivre avec une personne malade, si on ne partage pas on a l’impression de tout porter tout seul et on est épuisé. Si chacun prend une petite partie du fardeau cela soulage les autres. Il faut communiquer les informations.

La communication est vitale. « – Cela va ? – Oui cela va ! » C’est le rituel habituel même quand cela ne va pas. Geneviève, une des sœurs de ma cousine Valentine, était venue passer quelques jours chez moi et me répondait toujours cela. Finalement au bout de 4 jours elle a craqué et m’a raconté les soucis de santé de Valentine. Dans ces maladies-là il faut partager, sinon on est bouffé. Par exemple, Valentine est manipulatrice. Elle est hospitalisée et nous annonce « Je sors lundi. » Mais ce n’est pas vrai. Son psychiatre nous explique : c’est un jeu.

Valentine a été diagnostiquée bipolaire il y a plus de 15 ans. Elle était mariée avec un psy ! Cela faisait très longtemps que cela n’allait pas. Elle a vécu chez moi pendant deux ans quand nous étions toutes les deux célibataires. Elle enseignait une langue vivante. Certaines semaines elle allait bien ; d’autres semaines elle était au fond du baquet. Elle était dépressive et manipulatrice : « Tu ne m’aimes pas, tu ne t’occupes pas de moi ! » Alors je marchais, je restais enfermée à m’occuper d’elle, je me coupais de ma vie sociale – par exemple, de la chorale. Elle me demandait de l’emmener chez ses parents – alors qu’ils habitaient tout près. Elle était compliquée. Mais c’est parce qu’elle était malade.

Progressivement j’ai appris à comprendre

C’est à l’entourage de se protéger, aussi. Progressivement j’ai appris à comprendre. C’est son mari psy qui m’a expliqué : « Elle est malade. ». Au fil des ans cela s’est dégradé. Prend-elle sérieusement ses médicaments ? En ce moment elle est à l’hôpital. On ne sait pas si elle va pouvoir rentrer chez elle – quand elle est en dépression elle est comme égarée, perdue, elle ne sait plus qui elle est.

A soixante ans elle s’était mis en tête de quitter son mari pour refaire sa vie avec un autre homme – marié ! Finalement elle a laissé tomber. Elle vivait dans son monde.

Il y a un mois elle a fait une tentative de suicide, après un accrochage familial banal pour un sujet insignifiant. Elle s’est sentie blessée. Ces malades sont égocentriques, ils se replient sur leur mal-être qui s’accumule et finit par les faire craquer. Ils nous perturbent, mais c’est parce qu’ils sont malades.

Ce n’est pas ELLE, c’est sa maladie

Valentine semble être la seule personne de la famille touchée par la maladie. Elle est entourée d’une fratrie très solidaire et fidèle dans les moments difficiles. Même quand il y avait des problèmes avec les parents âgés, elle clamait qu’il fallait s’occuper d’elle. Ce n’est pas facile de s’occuper d’une personne malade psychique. Sa famille disait qu’elle était « folle » – j’essaie de leur expliquer qu’elle n’est pas « folle », elle est malade ! Ce n’est pas ELLE, c’est sa maladie. Dans les périodes où elle est bien, elle est elle, elle va à la piscine, elle peint – elle a un don exquis. Malheureusement aujourd’hui ces périodes se sont raréfiées.

Elle me téléphonait pour dire son mal-être – elle ne m’écoutait pas. Je finissais par couper – ce que je pouvais dire ne servait à rien. A la fin, il ne faut plus les écouter, car cela nous démolit aussi. On culpabilise. « Avec ces personnes-là il faut être en vérité, il ne faut pas entrer dans leur jeu », me dit le psy. Préservez-vous, ne prenez pas au premier degré ce qu’elle dit. C’est un jeu morbide de sa part, de dire que personne ne s’est occupé d’elle. Il ne faut pas oublier qu’elle est malade. On n’a pas des « fous » en face de nous, mais des malades.
Le problème avec Valentine, c’est qu’il me semble qu’elle ne prend pas bien son traitement.

Il ne faut pas rester seul

Les groupes de parole sont très importants pour l’entourage. Il ne faut pas rester seul. On a besoin d’être éclairé par quelqu’un, le psy, qui aide le groupe à en sortir. Le fait d’écouter parler les autres fait voir les choses différemment : qu’est-ce que je vis, moi, aujourd’hui, par rapport à ce problème ? On échange son expérience, pas des conseils. Progressivement les témoignages des autres ouvrent à d’autres horizons, on se rend compte qu’on n’est pas seul, d’autres vivent ou ont vécu la même chose, et certains s’en sortent. Il faut une véritable écoute, et cela aide à faire son propre chemin. On ne repart pas des réunions du groupe avec une liste de conseils.

Les gens ont du mal à accepter que les malades soient égocentriques. C’est parce qu’ils souffrent tant. Ma cousine Valentine, par exemple, me disait « Secoue-moi la tête ! » – c’est cela qui me l’a fait comprendre.

Descendre du manège

Oui, il ne faut pas que les accompagnants restent seuls. Ma cousine Geneviève, sœur de Valentine, m’a dit que le fait d’en avoir parlé avec moi lui a fait du bien. Elle a parlé avec la fille de Valentine aussi, cela leur a fait du bien à toutes les deux.

Il faut bien comprendre que l’entourage est IMPUISSANT face à la maladie. Il ne faut pas rester désorienté. Il vaut mieux prendre soin de soi, rester en face, et peut-être que si on est bien, cela va se réfléchir sur le malade. De toutes façons si on va mieux soi-même on a un regard différent, on est plus positif. Sinon, non seulement le malade se détruit, mais il détruit celui qui est en face aussi. Le regard des autres fait peur.

Le malade emmène tout le monde sur son manège. Il faut apprendre à descendre du manège. Il faut le savoir.

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