Avertissement de contenu : Ce témoignage aborde des sujets difficiles (Suicide, maltraitance psychiatrique).
La révélation
Ma psy me faisait faire des exercices pour changer ma façon de penser. Par exemple : « Je suis chanceuse car : …
- j’ai un toit
- des parents pas séparés, etc ; »
J’avais fait une grande liste. A partir de là, du jour au lendemain, cela a fait un déclic. C’était après mon « accident » ; pendant ma convalescence, ce déclic est arrivé.
Je me suis endormie avec ce que j’avais écrit dans ma tête. En me réveillant je me sentais beaucoup mieux. Au fur et à mesure des jours, j’avais un poids en moins. Cela allait mieux, je n’avais plus de sensation d’être triste.
C’est dû aussi au traitement qui m’a stabilisée, aux 7 ans de traitement, au fait que j’ai failli me tuer avec ma « petite bêtise », mon « accident », qui m’a fait prendre conscience. Les 7 années que j’ai vécues, à apprendre à me connaitre, à me comprendre, à mieux gérer mes émotions.
Cet exercice a marché parce que j’avais fait tout ce parcours avant, où je n’étais pas encore prête.
Mon parcours
J’ai commencé à aller mal au début du collège, de l’adolescence, j’étais mal dans ma peau, je voyais tout en négatif. Vers mes 14 / 15 ans j’ai fait une TS avec des médicaments. Je n’en parlais pas, je cachais tout. J’ai vu l’infirmière, qui a vu mes bras. Elle a appelé ma mère (je n’en étais pas contente, pour moi c’était une trahison). Ma mère m’a emmenée chez un psychologue. (Dès l’âge de 6 ans, cela n’allait pas, je me sentais bizarre. Je n’osais pas dire à la psy que je n’aimais pas mes frères. ) Après le coup de fil de l’infirmière, Maman m’a emmenée au CMP. Mais cela a été horrible. L’infirmière ne disait rien. Elle écrivait. J’étais encore plus mal en repartant. C’était une période difficile, je faisais une crise d’adolescence.
J’ai la chance d’avoir une mère dans la psychologie, la méthode Montessori, dans le « parler ». On a parlé beaucoup ma mère et moi ; on a créé un lien très fort, elle a toujours eu les mots qu’il fallait. C’était un peu ma psy !
A la fin de ma Troisième, j’avais beaucoup de solitude, je n’avais plus d’amis. Au début du lycée, c’était un nouveau départ, je n’avais pas de relations sociales, j’étais timide, renfermée sur moi-même, j’avais des angoisses sociales, scolaires.
La mort de ma Tata a été la première fois dans ma vie, un grand chamboulement dans ma tête. Je suis allée à son enterrement, et j’ai été chamboulée de prendre conscience que tout le monde peut mourir. Sur les 3, 5 mois suivants, je regardais en boucle les vidéos de ma Tata. Elle ressemblait un peu à Amy Whinehouse. J’avais de grandes angoisses.
Cela a été le début de séjours en hôpitaux et de rencontres régulières avec des psychiatres. La première était horrible. Elle me répétait que j’avais tout pour être heureuse ! Alors je culpabilisais. Ensuite j’ai changé de psy. J’en ai consulté environ 5. Fin 2020, à Paris, j’ai reçu un diagnostic de Borderline. Quoi faire ? Le psy nous a redirigés vers un psychothérapeute à Paris, en visio. Jusqu’à mes 18 ans, j’ai été suivie par l’hôpital pour ados.
Ensuite j’ai été inscrite dans un nouveau lycée, et là, j’ai trouvé beaucoup de compréhension, jamais de jugement.
J’ai aussi été hospitalisée pour anorexie. Ensuite, nous nous sommes orientés vers le trouble borderline. Le diagnostic est long, il faut au moins 3 ans sur la durée, ne pas s’arrêter à un seul épisode. Je pense que c’était un problème familial – ma Tata, mon père qui a du mal à gérer ses émotions. On a tous un côté hypersensible.
J’ai été hospitalisée en Unité Adulte à Lunéville ; je me suis sentie mieux. Je ne supportais plus les autres jeunes. Je n’avais pas le bon traitement, le mien était trop dosé. J’avais des aménagements de cours – on a tout annulé. Je n’allais plus au lycée. Je me suis beaucoup reposée. Mais j’avais peur de rester toute seule ; je faisais des soirées. Une fois, j’ai même appelé les urgences. J’ai arrêté tout cela.
C’était l’époque de ma terminale, que je n’ai pas faite. A 18 / 19 ans, j’ai obtenu un service civique à Jarville La Malgrange, à l’Institut des Jeunes sourds. Puis j’ai été confinée chez mes parents ; c’était confortable, il y a un jardin. Mais j’étais angoissée.
A la suite de cela j’ai été bénévole à l’APAJH à Maxéville, 4 heures par jour, en périscolaire, avec des enfants handicapés, 4 fois par semaine : les changer, goûter, jouer, apporter du bien-être ; j’ai adoré aider. Mais j’ai arrêté après un séjour dans les Vosges, où j’ai subi une agression de la part d’un jeune enfant souffrant de schizophrénie. Nous n’étions pas formés pour gérer les relations avec ces personnes.
A la suite de cela je n’allais pas bien car je ne faisais plus rien. C’est là que j’ai fait ma première défenestration. Là, j’ai subi la psychiatrie sans consentement, la maltraitance à l’hôpital psychiatrique. Cinq jours d’enfermement en chambre d’isolement, bourrée de calmants, de piqures, j’avais froid, il n’y avait pas de bienveillance. C’est un épisode très dur ; ma mère a réussi à me sortir de ce lieu, elle était sur le point de porter plainte.
En fait l’hospitalisation ne m’aidait pas ; j’ai fait un séjour dans une autre unité, et c’est là que j’ai fait une deuxième défenestration, qui m’a valu de me casser les deux chevilles. Je suis donc encore restée à l’hôpital, jusqu’à ce que mes parents aient installé un lit pour ma convalescence de deux mois à la maison.
C’est à cette période-là que j’ai eu la « révélation » dont je parlais au début de ce témoignage.
Aujourd’hui
A présent, je suis en train de réduire mes dosages de médicaments en accord avec le psychiatre, car je voulais me sentir mieux, plus énergique ; j’ai toujours fait beaucoup de gymnastique, mais pendant 5 ans je ne pouvais plus en faire.
Je peux en parler aujourd’hui ; c’est une fierté pour moi, un morceau de ma vie ; tout ce que j’ai vécu fait que je suis aujourd’hui ce que je suis.
J’ai une phrase de Amy Whinehouse tatouée sur moi : « I died a hundred times. 1 » Toute cette période est finie , mais j’en suis victorieuse, fière de m’en être sortie. Cela fait partie de ma vie ; autant apprendre à vivre avec mes fragilités. Je me suis acceptée moi-même.
Trouver l’envie d’avancer
J’ai accepté de l’aide. J’ai essayé l’hypnose (qui n’était pas adaptée), la respiration, la méditation. Ce qui m’a le plus aidée, c’est le travail sur soi. C’est nous qui devons avoir le déclic. Si on n’en a pas envie on n’avance pas, c’est compliqué. C’est nous qui devons trouver en nous le déclic, l’envie d’avancer. C’est comme une personne qui doit se désintoxiquer.
Il faut laisser les gens venir nous aider, trouver la personne qui nous aidera à sortir de notre système de pensée, nous faire changer notre façon de voir les choses.
Il faut beaucoup de travail sur soi, l’envie de changer. Pendant des années. Cela peut prendre du temps d’aller bien ; m’écouter quand je vais mal et essayer de trouver une solution. Pour moi cela a pris 7 ans de réflexion pour trouver que la vie est belle, ne pas me dire « je ne m’en sortirai jamais ». Grâce à l’ensemble de tous les autres, dont ma mère, qui m’ont aidée. Au besoin, il ne faut pas hésiter à aller voir d’autres soignants.
Parfois, il faut baisser ses attentes, faire des petits pas, cela ne se fait pas en un jour. La maladie psychique ne se voit pas, mais comme toute maladie, cela prend du temps.
Je m’écoute plus ; je voulais être « normale », comme tout le monde, même si cela ne m’intéressait pas vraiment. Maintenant je pense qu’il ne faut pas se laisser influencer par les diktats de la société ; je veux choisir ce qui me correspond vraiment : il n’y a pas d’obligation à être en couple ou à avoir un enfant. J’ai arrêté de croire en la société, je crois en moi-même. J’ai une amie de 50 ans, ce qui surprend les autres jeunes. Mais je m’écoute : je me sens bien avec elle.
Ce que j’ai vécu m’a permis de comprendre des choses. On apprend de nos erreurs. A présent, je me comprends super bien ; il y a beaucoup d’endroits que j’évite quand même aujourd’hui car je risque d’être déçue.
Je choisis ce que j’aime.
1 « Je suis morte cent fois »