Témoignage de Sandrine : « Tout est possible… toujours ! »

Je suis médiatrice de santé paire professionnelle, ou encore pair-aidante, mais je préfère dire « compagnon de route » auprès de mes pairs concernés par les troubles psychiques : une nouvelle figure de soins dans le paysage sanitaire et social. L’entraide entre pairs est une pratique vieille comme le monde, qui s’est formalisée au travers du groupe des Alcooliques Anonymes dans les 60’ aux États-Unis, et dont la professionnalisation est en plein essor depuis 10 ans en France.

Je travaille depuis un an dans un centre psychothérapique, dans une équipe pluridisciplinaire. Je suis un membre à part entière de l’équipe dans laquelle je travaille. Alors oui, je vis depuis toujours avec des troubles de l’humeur et aujourd’hui, je me considère rétablie, c’est-à-dire suffisamment stabilisée et bien dans ma vie pour pouvoir moi-même accompagner des personnes en proie à la « précarité émotionnelle », en m’appuyant sur mon savoir expérientiel, notamment l’expérience commune de la souffrance qui nous rapproche naturellement et facilite les échanges, pour aider les personnes à prendre un chemin de mieux-être.

Je partage mon histoire, et ce qui m’a permis d’entamer une démarche de rétablissement, de retour à un bien-être très subjectif. Le rétablissement est un cheminement personnel vers une quête de sens à tout ce que l’on a vécu : une attitude, une manière de faire face aux difficultés liées aux conséquences d’une maladie psychique. Ma légitimité repose sur ma propre expérience de la maladie et des répercussions de mes troubles sur ma vie toute entière. Entre pairs, on se construit ensemble. Le pair-aidant a un rôle fondamental : contrer la stigmatisation et l’autostigmatisation, « donner envie d’avoir envie » de reprendre sa vie en mains, et de retrouver l’espoir d’une vie pleine d’un sens nouveau.

Un jour, vous décidez d’entamer ce chemin… Et pour aller vers le rétablissement c’est important de connaître la pathologie, d’être acteur de ses soins, de sa vie, pour retrouver une place, SA place. Rencontrer des pairs permet de normaliser l’expérience, de dédramatiser ; on se rend compte qu’on n’est pas tout seul ; il y a des solutions pour se stabiliser. Rencontrer des gens qui ont vécu la même expérience et sont stabilisés donne de l’espoir et une nouvelle forme d’énergie.

« Vous n’êtes pas responsable des émotions qui vous traversent », m’a dit un jour mon psychiatre. En revanche, je suis responsable de ce que je vais mettre en place pour ALLER VERS le rétablissement. Quand j’ai un petit passage à vide, je sais que cela va passer. Je sais ce que je dois mettre en place pour le surmonter. Par exemple je m’isole pour ne pas être stimulée émotionnellement, je fais de la méditation, de la marche avec mon chien, j’évite le bruit, je choisis mes relations, mon environnement, qu’il soit social, amical ou professionnel. Je suis actrice de mon traitement médicamenteux, je ne le subis plus désormais. Puiser au fond de soi, au regard de nos valeurs propres, une force pour s’extraire d’une condition que l’on pense sans issue : j’ai trouvé la force de guider mes enfants dans leur vie et de retourner sur les bancs de l’école à 51 ans. Il n’y a pas de recette, chacun trouve SA solution.

Dans ma mission, j’aime ouvrir des portes, et permettre aux personnes d’oser rêver. On les accompagne dans leurs projets, on « marche à côté ». Pour eux, on représente un espoir énorme, on se comprend, on ne juge pas. Je ne regarde pas les mains qui tremblent. Chaque rencontre est unique et riche.

Je prépare avec les patients au préalable leur consultation en psychiatrie ; je leur dis « soyez acteurs, dites ce que vous ressentez, plutôt que de subir un traitement, et le choix des autres ».

Selon moi, l’important est le quotidien, quand on est en-dehors de l’hôpital. A la sortie d’hospitalisation, il est primordial de se sentir accueilli chez soi : des draps qui sentent bon, un frigo rempli, au risque de replonger et de ne pas pouvoir maintenir le bien-être acquis à l’hôpital.

J’ai l’exemple d’un monsieur qui n’arrive pas à ranger sa cuisine ; cela l’empêche donc d’avoir du lien social ; on a besoin d’un « petit truc », un « starter », ou un « booster d’énergie », c’est comme cela que je vois l’accompagnement. Aider les gens en étant attentif, les aider à être attentifs à ce qui leur fait du bien, anticiper, éviter certaines situations.

Quand on souffre de troubles bipolaires, les interactions avec les autres sont souvent compliquées. On peut être très interprétatif sur les comportements d’une autre personne, et d’une grande susceptibilité, liée à une sensibilité démesurée, ce qui rend les relations difficiles. Dans ma relation de couple, j’ai appris à exprimer mes émotions sans qu’elles rendent tout le monde « malade » ! Mais aussi à dire ce dont j’ai besoin quand je suis en phase Up ou Down.

On peut redonner un sens à sa vie, être salarié, ou bénévole, juste avoir une vie sociale malgré tout pleine de sens. Ce nouveau métier est ma thérapie. Une fois rétablie, il est important de se donner les moyens de garder le cap. Pour cela, il faut être bien entouré et soutenu, par nos amis, notre famille et les professionnels de santé.

J’ai entamé une reconversion professionnelle à 51 ans, avec une année universitaire pour obtenir une licence Sciences sanitaires et sociales, option médiateur de santé pair, comme quoi tout est possible, toujours !

Sandrine.

2 commentaires sur “Témoignage de Sandrine : « Tout est possible… toujours ! »

  1. J’admire votre courage d’être retourné ainsi à l’école et surtout d’en être sorti gagnante, de pratiquer un métier qui apporte beaucoup aux autres et à vous. De mon côté, je cherche toujours toujours la voie de mon rétablissement. Merci pour ce message d’espoir

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