Témoignage de Nadine, 42 ans

J’ai souhaité apporter mon témoignage pour permettre à d’autres d’éviter la vie chaotique – celle du malade, et celle de son entourage. Pour permettre à d’autres de se retrouver ; je veux raconter mon parcours du combattant ; c’est une maladie encore tabou, presque honteuse pour beaucoup de gens encore. Dès l’enfance l’entourage refuse de penser qu’il peut s’agir d’une maladie psychique et on entend des remarques fréquentes comme : « C’est un manque de volonté » !

L’idéal est le dépistage précoce

J’espère que mon témoignage pourra aider d’autres à comprendre plus vite. L’information est très importante. Il faut que les jeunes puissent se construire malgré la maladie. Il faut éviter l’irrémédiable dans certains cas. Il faut que la personne malade puisse vivre malgré tout, qu’elle soit bien intégrée, et non que tout soit détruit. On parle de « reconstruction » – mais cela veut dire qu’il y a eu destruction avant. On en sort grandi évidemment mais ce serait mieux d’éviter le chaos.

L’idéal est le dépistage précoce. Sinon on reste dans son isolement. Et le médicament, c’est l’ouverture.

C’est une maladie handicapante pour les études, car elle cause des problèmes de concentration, un manque de sommeil, une augmentation du stress de façon démesurée.

Elle est handicapante aussi au travail. Mon parcours professionnel en a souffert : j’allais dans tous les sens. J’étais hyperactive. Je ne savais pas encore ce que j’avais. J’ai fait des séjours en hôpital psychiatrique. Deux fois j’ai changé complètement de projet professionnel : école d’infirmières ; puis lycée agricole. A chaque fois cela commençait dans une grande énergie et cela marchait bien, et puis cela ne tenait pas au long terme, et je m’écroulais.

Le traitement est la garantie d’une vie stable. Il faut accepter de prendre son traitement à long terme (comme pour le diabète). Bien sûr il y a quelques effets secondaires – et malheureusement les médecins ne nous y préparent pas assez : prise de poids, perte de cheveux, prolactynémie1.

Accepter sa maladie, savoir ce qu’on a, c’est pouvoir se soigner

Il est très important aussi de trouver le « bon » psychiatre. Pour moi, par exemple, je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un psychiatre qui parle avec moi. Souvent le problème est la prise en charge. Il y a peu de contacts, les CMP voient les malades uniquement quand ils sont en crise. Le reste du temps les gens sont éparpillés dans la nature. Cela empêche d’avoir une vue d’ensemble de la situation, et le diagnostic est posé difficilement.

Dans mon cas personnel, en 2004 j’ai voulu aller à Saint-Rémy-de-Provence sur les traces du peintre Van Gogh. J’ai lu un petit ouvrage où il raconte sa vie à son frère Théo et j’ai eu le choc de découvrir que j’avais les mêmes symptômes. Jusque-là mon médecin me disait « T’es psychotique, t’es psychotique ! » (il me connaissait depuis mon enfance ) sans aller plus loin.

J’ai éprouvé un grand soulagement quand j’ai su exactement que je souffrais de troubles bipolaires. Accepter sa maladie, savoir ce qu’on a, c’est pouvoir se soigner. Et j’ai mieux accepté mon diagnostic à partir du moment où j’en ai parlé à une première personne, mon meilleur ami.

Cependant pendant 7 ans on m’a prescrit des médicaments qui ne marchaient pas. Cela fait 3 ans que je suis enfin stabilisée avec le « bon » médicament et le « bon » psychiatre.

Je voudrais parler aussi du rôle des parents. A aucun moment ils n’ont été invités par les médecins du CPN à apporter leur témoignage, ils ont été mis de côté – alors que cela aurait pu accélérer le diagnostic. Peut-être que cela a changé aujourd’hui, et que les médecins le font. Ce dont je parle a eu lieu il y a une quinzaine d’années. Je suis arrivée en crise, j’ai été hospitalisée, mes parents étaient venus avec moi mais ils n’ont pas été informés ni consultés. Et on ne leur a pas demandé non plus comment eux-mêmes allaient…

Aujourd’hui : je guette toujours la maladie. Je fais très attention au traitement. J’essaie de mener une vie stable, d’avoir une hygiène de vie correcte, un sommeil suffisant. Je veux insister aussi sur l’importance absolue de suivre son traitement.

Je continue à me documenter sur la maladie ; j’apprends encore des choses.
J’en parle autour de moi. Les gens restent discrets sur la question. Tous ne veulent pas en parler. Pour moi, cela m’aurait fait du bien de rencontrer d’autres personnes bipolaires ; mais je n’en connaissais pas, justement.

C’est comme une grande galère où tout le monde rame

Je dirai que le calme est revenu après la tempête. Je m’étais coupée de nombreuses personnes de mon entourage. Aujourd’hui je suis revenue vers les gens, et les gens sont revenus vers moi. Mais pas tous complètement. C’est comme une grande galère où tout le monde rame. Certains restent, mais d’autres abandonnent…


1. Définition du mot Prolactinémie : Présence et taux dans le sang de prolactine, hormone sécrétée par l’hypophyse (glande du cerveau), déclenchant la sécrétion de lait et maintenant l’arrêt des règles après l’accouchement. [Voir sur doctissimo]

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